Plusieurs heures après les raids américains contre des bases du Hachd Chaabi, coutant la vie à au moins 30 combattants, des milliers de manifestants irakiens en colère ont investi la première enceinte du gigantesque complexe ultrasécurisé dans la Zone verte de Bagdad, et l’ont incendié.
Assiégés, les soldats américains ont été vus en train de fuir après l’entrée des manifestants.
Le correspondant de la chaine AlManar a en outre rapporté que l’ambassadeur américain et les autres fonctionnaires de l’ambassade ont été évacués.
La foule en colère était parvenue à traverser sans encombre l’ensemble des checkpoints de l’ultrasécurisée Zone verte de Bagdad.
Les manifestants ont ensuite organisé un sit-in devant l’ambassade et mené la prière en mémoire aux 30 combattants tués, avant de parvenir à franchir la première enceinte du gigantesque complexe ultrasécurisé.
Avant l’attaque de l’ambassade, les manifestants avaient brûlé des installations de sécurité à l’extérieur de l’ambassade, arraché les caméras de surveillance, jeté des pierres sur les tourelles et couvert les vitres blindées avec des drapeaux du Hachd et des brigades du Hezbollah.
« Non à l’Amérique », ont-ils écrit sur un mur. Et « Fermé sur ordre des brigades de la résistance ».
Les dirigeants du Hachd : cheikh Qaïs al-Khazaali et Hadi Al-Ameri participaient à la manifestation devant l’ambassade US.
Pour leur part, les forces américaines ont tiré depuis l’intérieur de la chancellerie des balles et des grenades lacrymogènes et assourdissantes contre les protestataires anti-US.
10 manifestants ont été blessés, a indiqué le correspondant de la chaine libanaise AlMayadeen.
Rappelons que les manifestants étaient initialement sortis en procession funéraire pour 25 combattants du Hezbollah irakien (une des factions du Hachd) tombés en martyrs dimanche soir, suite à des frappes américaines contre leurs bases.
Peu auparavant, le Hezbollah irakien annoncé l’organisation d’un sit-in devant l’ambassade jusqu’à sa fermeture ou l’expulsion de l’ambassadeur.
Bagdad menace de « revoir » ses relations avec Washington
Le gouvernement irakien s’est dit lundi soir forcé de « revoir ses relations » avec les Etats-Unis après des raids aériens menés la veille par Washington contre des bases du Hezbollah irakien, une faction des Hachd Chaabi intégrée aux forces irakiennes .
Bagdad a déjà annoncé qu’il allait convoquer l’ambassadeur américain -actuellement hors du pays selon une source diplomatique-, alors que Washington a accusé l’Irak de n’avoir pas su « protéger » ses soldats et diplomates, présents « à (son) invitation ».
En soirée, alors que la polémique enflait en Irak sur des raids menés « en violation de la souveraineté irakienne » contre des combattants désormais intégrés aux troupes régulières, le Premier ministre démissionnaire Adel Abdel Mahdi a reconnu en avoir été informé peu avant qu’ils n’aient lieu par le chef du Pentagone, Mark Esper.
« Il m’a dit que les Etats-Unis allaient frapper les brigades du Hezbollah et je lui ai répondu que c’était un acte dangereux qui pouvait mener à une escalade », a-t-il déclaré, selon une vidéo diffusée par son bureau.
« Les forces américaines ont agi en fonction de leurs priorités politiques et non de celles des Irakiens », a dénoncé le gouvernement démissionnaire réuni en Conseil de sécurité réduit.
Le communiqué du cabinet ajoute que « la protection de l’Irak, de ses bases militaires, des forces qui y sont présentes et des chancelleries relève de la responsabilité exclusive des forces de sécurité irakiennes ».
De tels raids « violent la souveraineté de l’Irak » et « contreviennent aux règles d’engagement de la coalition » internationale présente en Irak sous commandement américain sous prétexte de lutter contre Daesh, poursuit le texte.
Ils « poussent l’Irak à revoir ses relations et son cadre de travail sur les plans sécuritaire, politique et légal pour protéger sa souveraineté ».
« Nous avons essayé de prévenir des commandants », a-t-il poursuivi, mais visiblement en vain tant le bilan humain et les dégâts matériels sont importants. Des dépôts d’armes de la police ont été détruits dans ces frappes, a précisé M. Abdel Mahdi.
Washington prétend avoir visé dimanche soir plusieurs bases des brigades du Hezbollah pour mettre fin à une série d’attaques à la roquette ayant visé ses soldats et ses diplomates à onze reprises ces deux derniers mois.
Depuis l’occupation de l’Irak en 2003, des députés appellent régulièrement à dénoncer l’accord de coopération militaire irako-américain.
Jusqu’ici, toutes les tentatives de revoir l’accord de coopération ont fait long feu. Mais les frappes de dimanche soir ont suscité une indignation inédite.
Lundi 30 décembre, dans la plupart des villes du sud de l’Irak, à Bagdad et à Kirkouk (centre), des manifestants ont brûlé ou piétiné des drapeaux américains, ont rapporté des correspondants de l’AFP.
Sistani condamne
De son côté, le bureau de l’Ayatollah Sistani, haute référence religieuse pour les musulmans chiites d’Irak, a vivement condamné l’attaque américaine contre les positions des Hachd al-Chaabi, qualifiant cette attaque de « violation de la souveraineté irakienne ».
Selon la télévision Al-Soumariya qui cite le communiqué du bureau de l’Ayatollah Sistani, la Marjaiya religieuse irakienne a condamné « l’attaque criminelle qui a frappé un nombre d’effectifs des forces militaires officielles de l’Irak et à cause de laquelle plusieurs d’entre eux ont été tués en martyrs ou été blessés ».
D’après le communiqué du bureau de l’Ayatollah Sistani, il revient seulement aux institutions militaires et sécuritaires officielles irakiennes de prendre des mesures nécessaires pour assurer la sécurité du pays.
Les avions de chasse de l’armée américaine ont bombardé dimanche soir des QG des Hachd al-Chaabi d’Irak à la frontière syrienne dans l’ouest du pays.
Selon un bilan provisoire fourni par les Hachd al-Chaabi, 30 personnes sont tombées en martyr et au moins 51 autres ont été blessées lors de ces attaques. Un commandant des Hachd et ses deux assistants ainsi que le commandant adjoint de la brigade 45 des Hachd al-Chaabi sont parmi les martyrs.
Le bilan des morts pourrait s’alourdir, beaucoup de blessés se trouvant dans un état critique.
Sources: AlManar + AlMayadeen+ AFP + PressTV