Sans régler les problèmes de fond avec les Etats-Unis, l’accord commercial partiel –une fois signé– va offrir au président chinois Xi Jinping un répit au moment où l’économie se détériore et la situation à Hong Kong préoccupe le pouvoir.
Après près de deux ans d’une féroce guerre commerciale avec l’Amérique de Donald Trump, les indicateurs économiques de la seconde puissance mondiale ont du plomb dans l’aile.
« Le pire n’est pas encore arrivé et 2020 s’annonce comme une autre année difficile », prévient l’économiste Ting Lu de la banque d’investissement Nomura.
Sans faire allusion à la guerre commerciale, les plus hauts dirigeants chinois ont reconnu cette semaine une situation délicate lors d’une importante réunion économique annuelle à Pékin.
« Les sources de turbulences et les risques ont considérablement augmenté dans le monde. Nous devons avoir un plan (pour y faire face) », assure un compte-rendu de cette réunion publié jeudi par l’agence Chine nouvelle.
Les exportations de la Chine ont subi en novembre leur quatrième mois consécutif de repli (-1,1% sur un an), et cette tendance est particulièrement marquée pour celles en direction des Etats-Unis (-23%).
Il s’agit d’un phénomène inquiétant car les firmes chinoises sont majoritairement tournées vers l’export.
Vendredi, Pékin et Washington ont annoncé une trêve dans leur guerre commerciale.
Donald Trump a renoncé à imposer ce dimanche, comme initialement prévu, une nouvelle salve de surtaxes douanières sur quelque 160 milliards de dollars de biens chinois. Et l’administration Trump a accepté de réduire progressivement celles en vigueur, selon Pékin.
En contrepartie, la Chine n’imposera pas de droits de douane supplémentaires sur plus de 3.000 produits américains, dont les pièces automobiles, comme elle menaçait de le faire.
« Gagner du temps »
Les Chinois vont profiter de cette aubaine pour « fortement » accroître leurs exportations vers les Etats-Unis, un partenaire commercial incontournable, croit savoir Rajiv Biswas du cabinet IHS Markit.
Les termes de l’accord de principe restent toutefois vagues. Pékin et Washington n’ont d’ailleurs donné aucune date précise pour la signature finale du texte.
Cela permet à la Chine de « gagner du temps » sans pour autant régler les problèmes de fond du contentieux avec les Etats-Unis et lui offre « une bouffée d’oxygène », relève Larry Ong, analyste pour le cabinet SinoInsider.
Au-delà de l’accord préliminaire, Washington exige de la Chine des réformes structurelles: que Pékin s’engage à ne plus subventionner ses entreprises publiques, ouvre ses marchés publics aux entreprises étrangères et cesse d’obliger ces dernières à accorder des transferts de technologies.
Mais « les différentes interprétations de ce qui a été convenu sont de potentiels obstacles à la conclusion de l’accord », met en garde Ting Lu.
En octobre, les deux pays étaient proches d’un consensus avant qu’un désaccord sur les droits de douane ne bloque toute mise sur papier du texte.
« Un accord a peut-être une nouvelle fois été annoncé prématurément », note Barry Naughton, de l’Université de Californie.
Pékin s’est par ailleurs engagé à acheter davantage de produits agricoles américains — une demande chère à Donald Trump — mais sans avancer de montant.
Outre le front commercial, Chinois et Américains s’opposent sur la crise politique à Hong Kong, petit territoire autonome du sud de la Chine.
« Accord fragile »
Au grand dam de Pékin, Donald Trump a signé fin novembre une loi pour soutenir « les manifestants pro-démocratie », dont les actions sont quasi quotidiennes depuis six mois. Ils dénoncent l’influence supposée croissante du gouvernement central dans cette ancienne colonie britannique rendue à la Chine en 1997.
Pour la Chine comme pour les Etats-Unis, « cela rend les choses plus compliquées pour sceller un accord » commercial, assure Larry Ong rappelant par ailleurs la rivalité qui oppose les deux puissances dans le domaine technologique.
Le géant chinois des télécoms Huawei, ainsi que son compatriote ZTE, sont tous deux soupçonnés d’espionnage par Washington pour leur proximité supposée avec le Parti communiste chinois.
Dans ce contexte, les entreprises chinoises accélèrent leurs efforts pour réduire leur dépendance à l’égard des Etats-Unis.
« L’accord est fragile car il n’y a pas de solution rapide à ces problèmes », fait remarquer Max Zenglein, de l’Institut Mercator pour les études chinoises (Merics) en Allemagne.
A une situation qui reste « très volatile », selon M. Zenglein, s’ajoute la personnalité imprévisible du président américain qui souffle le chaud et le froid depuis le début de la guerre commerciale.
De son côté, « le Parti communiste chinois est connu pour ne pas tenir ses promesses et ses engagements », assure M. Ong.
« Les Etats-Unis vont se mettre en mode attente et observer comment la Chine se conforme » à l’accord de principe, pronostique Barry Naughton.
Et en cas de manquement de Pékin, « on peut s’attendre à ce que le président Trump redevienne (l’autoproclamé) +homme des surtaxes+ » et que les tensions s’exacerbent de nouveau, prévient M. Ong.
Source: AFP