En visite au Liban dans le cadre d’un colloque sur les États fragiles, un expert du Fonds Monétaire International [FMI] rappelle la crise financière étouffante vécue par la Syrie en 1986 ; la Banque centrale syrienne ne disposant plus de monnaies difficiles. Il affirme qu’à l’époque, la Banque mondiale avait proposé un prêt à feu le président Hafez al-Assad, lequel l’a refusé, pour la bonne raison qu’à l’époque le point fort de la politique syrienne reposait sur une stratégie de sécurité alimentaire. La Syrie était, en effet, autosuffisante du point de vue alimentaire, exportait du blé et du bétail, en plus de produire toutes les denrées dont le pays avait besoin. L’expert ajoute qu’à la même époque, du pétrole avait été découvert à Deir ez-Zor, ses revenus ayant rendu inutile l’emprunt auprès du FMI.
Contrairement à la Syrie, la nourriture semble être le plus gros problème auquel sera confronté le Liban au cas où les pressions américaines continueront à harasser les Libanais par le biais de leur économie. Le pays ne dispose d’aucune sécurité alimentaire et importe pratiquement toute sa nourriture de l’étranger. Pour mesurer l’ampleur du danger et de la catastrophe qui nous guettent si les pressions se maintiennent et que nous ne réagissons pas, il suffit de passer en revue une brève liste de ce que nous importons.
Le Liban importe le blé, l’orge et toutes sortes de céréales, de fruits, de légumes, de bétail, de viandes et de médicaments, payant le tout en monnaie forte devenue réellement difficile à trouver dans le pays. Et c’est dans le cadre de cette pénurie en dollars et en devises fortes que l’Amérique se prépare à agir contre nous par son opération de pression financière empêchant l’importation de matières premières. Le Hezbollah l’a bien compris.
Le discours du Secrétaire général du Hezbollah parlant de la Chine, de la Russie, de l’Iran et de l’intérêt du Liban à modifier les alliances de son État profond ne fait qu’exprimer son souci de voir l’État ne pas réussir à assurer aux Libanais cette sécurité alimentaire. Et, par conséquent, exprime la nécessité de trouver des solutions de remplacement capables de faire face à la deuxième phase du plan.
Une deuxième phase selon un modèle de « gaz contre nourriture», comme ce fut le cas pour l’Irak dans la phase « pétrole contre nourriture » dans les années quatre-vingt-dix. Or, toutes les infrastructures économiques et alimentaires du Liban sont prédisposées à l’application d’un tel modèle, les États-Unis n’ayant même pas besoin, ici, d’une résolution du Conseil de sécurité, vu que le Liban est en faillite et se trouve dans l’impossibilité de payer, en devises fortes, ce dont il a besoin.
Depuis les années quatre-vingt-dix, la politique économique de M. Rafic Hariri a systématiquement détruit l’agriculture libanaise et conduit le pays à importer l’essentiel de sa nourriture. Même la contamination des rivières est due à la stratégie ayant mené à l’élimination du secteur agricole et, par conséquent, à l’insécurité alimentaire. Stratégie doublée d’une politique d’endettement, non moins dangereuse, auprès de la Banque mondiale et d’institutions monétaires étrangères à des taux d’intérêt élevés dans le cadre de ce que l’on appelle l’ingénierie financière, laquelle n’a servi, en réalité, qu’à la plus grosse opération de vol et d’arnaque qu’ait connue un État de ce monde.
Le Hezbollah travaille discrètement et depuis un certain temps sur ce problème, à commencer par celui des médicaments qu’il importe d’Iran en les payant en Livres libanaises et dont la qualité répond aux critères internationaux. Ses partisans peuvent se les procurer dans ses entrepôts à prix réduit. Un modèle qu’il pense appliquer à la nourriture, au carburant et à tout ce qui participe aux besoins élémentaires de la vie quotidienne et à la sécurité alimentaire, via les pays alliés mentionnés dans le dernier discours de Sayed Hassan Nasrallah .
En effet, La Chine et la Russie sont prêtes à investir et à financer dans le pays. Et l’Iran est disposé à faire de même, sur un long terme et en monnaie locale, afin d’amener le Liban à un niveau suffisant d’indépendance quant à sa consommation électrique, tout comme il est disposé à nous consentir des facilités de paiement dans les secteurs des carburants et de la construction.
Quant au Hezbollah qui est militairement déployé au passage frontalier d’Albou Kamal, à la frontière syro-irakienne, il est prêt à faire en sorte qu’il serve à l’exportation des récoltes libanaises, de légumes et de fruits, vers le grand marché irakien. Par ailleurs, il est facile pour le Liban de satisfaire ses besoins en blé, céréales et bétail en les achetant à la Syrie, à des prix inférieurs aux prix internationaux et en Livres libanaises.
Cette stratégie du Hezbollah se justifie par le fait qu’au matin du 17 octobre dernier, les Libanais de toutes les couleurs se sont retrouvés dans un pays sans institutions, tout au long d’un mois de débordements dans les rues.
Le Hezbollah est parfaitement conscient de l’implication des États-Unis dans le mouvement de protestation qui secoue le pays, mouvement qu’ils exploiteront au maximum pour s’en prendre aux armes de la Résistance. Il travaille en partant du principe que, dans l’esprit des Américains, la durée de ce mouvement est illimitée et que lui faire face nécessitera la prise de décisions difficiles au moment opportun.
Il est également conscient que l’usage des armes au cours de cette crise n’est utile qu’aux frontières. C’est pourquoi il s’emploie à construire des lignes de défense du pays.
Cependant, il est certain que ce qui n’a pas été dévoilé est plus vicieux et encore plus dangereux…
Par Nidal Hamade : Journaliste libanais (Paris) ; Traduit de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Sources : Al-Binaa ; Réseau international