Le retrait américain du nord de la Syrie, annoncé dimanche, met les pays membres de la coalition internationale anti-EI au pied du mur, à l’instar de la France qui a annoncé des mesures pour protéger ses troupes au sol, dont elle doit désormais envisager le repli.
Paris va prendre « dans les prochaines heures » des mesures pour « assurer la sécurité des personnels français militaires et civils » présents dans le nord-est de la Syrie, théâtre d’une offensive turque contre les Kurdes, a annoncé l’Elysée dans la nuit de dimanche à lundi à l’issue d’un Conseil restreint de défense.
Contacté par l’AFP, l’état-major français a refusé d’en dire plus, en invoquant « des raisons de sécurité ».
Quelques heures auparavant, le chef du Pentagone Mark Esper avait annoncé le retrait de jusqu’à 1.000 soldats américains du nord de la Syrie – soit la quasi-totalité des forces dans le pays – évoquant une « situation intenable » pour des troupes qui « peuvent se retrouver prises en étau » entre les Kurdes et les Turques.
La France ne communique jamais sur les missions assignées au Commandement des opérations spéciales (COS). Mais l’annonce américaine force aujourd’hui les autorités françaises à reconnaître la présence de militaires au sol en Syrie. Or leur maintien semble impossible sans le soutien américain.
« On n’a jamais caché le fait que les pays avec des petits contingents ne pourraient pas rester si les Etats-Unis se retiraient », souligne à l’AFP une source diplomatique française.
Quelques centaines de membres des forces spéciales françaises sont déployés dans cette région pour épauler les milices kurdes qui occupent le nord de la Syrie. Ils les ont aidées à se battre contre Daech (EI), dans le cadre d’une coalition internationale antijihadiste emmenée par Washington, et dont la France est l’un des principaux contributeurs – loin cependant derrière les Etats-Unis qui fournissent l’essentiel des moyens.
« Les Américains ont mis une part très importante des moyens critiques, qu’il s’agisse du renseignement, des capacités de ciblage, de ravitaillement aérien », explique-t-on de source gouvernementale française.
« Aucune consultation »
Sans l’aide des Etats-Unis, impossible également pour Paris d’aller récupérer un pilote français sur le sol syrien en cas d’éjection, confie-t-on de source militaire.
Les Britanniques, qui comptent également quelques centaines de forces spéciales dans le nord syrien, se tiennent prêts à retirer leurs troupes en cas de retrait total des troupes américaines, affirmait la semaine dernière le quotidien The Times.
La ministre française des Armées Florence Parly devait s’entretenir ce lundi avec ses homologues américain et turc, selon son entourage.
La menace d’un départ des troupes américaines planait déjà depuis plusieurs mois. Le président Donald Trump avait déjà fait souffler un vent de panique en décembre dernier, en annonçant unilatéralement le retrait des 2.000 GI’s stationnés à l’époque en Syrie.
Après le refus des alliés occidentaux de Washington de combler le vide dans le nord-est syrien, le Pentagone avait finalement laissé un millier de militaires sur le terrain. Avant de devoir finalement annoncer dimanche le départ de l’essentiel de ses forces, conformément à la volonté du locataire de la Maison Blanche.
« La valeur d’une poignée de mains des Etats-Unis se déprécie chaque semaine. Personne ne peut croire ce que nous disons. Cette décision majeure a été prise sans aucune consultation » avec les alliés, abondait vendredi sur MSNBC l’Américain Brett McGurk, qui a démissionné en décembre de son poste d’émissaire pour la coalition internationale antijihadiste anti-EI.
Meurtrie depuis novembre 2015 par une série d’attentats sur son sol revendiqués par l’EI, la France estime que le groupe ultra radical demeure une « menace importante pour notre sécurité nationale », insiste le Quai d’Orsay, en rappelant qu’en Syrie « l’organisation dispose encore de ressources et de capacités d’action importantes ».
Le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a demandé jeudi une « réunion d’urgence » de la coalition internationale menée par Washington.
Demeure dans la balance l’avenir de l’opération Chammal, qui mobilise jusqu’ici environ un millier de militaires au profit de la coalition, via des opérations aériennes (5 à 10% des frappes), des sessions de formation de l’armée irakienne et des forces spéciales en Syrie.
Source: Avec AFP