Les Kurdes de Syrie, lâchés par Washington, ont annoncé dimanche soir avoir conclu un accord avec Damas pour le déploiement de l’armée syrienne dans le nord du pays, afin de s’opposer à l’avancée rapide des troupes turques et de leurs alliés.
L’offensive de la Turquie, lancée il y a cinq jours à la faveur d’un retrait américain et malgré de vives critiques internationales, vise à instaurer une « zone de sécurité » de 32 km de profondeur pour séparer sa frontière des territoires contrôlés par les Unités de protection du peuple (YPG), une milice kurde qualifiée de « terroriste » par Ankara.
Dimanche 13 octobre, le gouvernement syrien, qui entretient des rapports tendus avec la minorité kurde mais a dénoncé l’opération d’Ankara, a annoncé l’envoi de troupes dans le nord pour « affronter » l' »agression » turque.
Peu après, les Kurdes, qui ont instauré ces dernières années une autonomie de facto sur de vastes régions du nord et du nord-est syrien, ont dit avoir conclu un accord avec Damas pour un déploiement de l’armée syrienne près de la frontière « en soutien aux Forces démocratiques syriennes (FDS) », dominées par les YPG.
« Compromis douloureux »
Pour justifier l’accord entre les Kurdes et Damas, le haut commandant des FDS Mazloum Abdi a déclaré sur Foreign Policy que le pouvoir syrien et son allié russe avaient « fait des propositions qui pourraient sauver la vie de millions de personnes ».
« Nous savons que nous devrons faire des compromis douloureux », mais « entre les compromis et le génocide de notre peuple, nous choisirons la vie », a-t-il dit.
Juste avant l’offensive turque, les Kurdes avaient appelé la Russie à jouer un rôle de « garant » dans le « dialogue » avec le pouvoir qui s’était alors dit disposé à « accueillir dans son giron ses enfants égarés ».
Dimanche, « 785 (proches) de membres étrangers de Daesh ont fui le camp d’Aïn Issa », ont affirmé les autorités kurdes. Des soldats américains les ont transférés vers l’Irak, ont annoncé des sources irakiennes.
Partenaires de longue date des Occidentaux, les FDS ont accusé l’Amérique de Donald Trump de les avoir abandonnées en retirant lundi dernier des soldats de zones frontalières puis en annonçant ce dimanche le retrait de près de 1.000 soldats du nord syrien.
L’offensive d’Ankara devait d’abord se concentrer sur une bande de territoire frontalière, entre les villes de Tal Abyad et Ras al-Aïn, distantes d’environ 120 km.
Dimanche, les forces turques ont conquis Tal Abyad, selon l’agence turque Anadolu et une ONG proche de l’opposition syrienne, l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
Ras al-Aïn échappe encore aux forces turques, mais celles-ci se sont emparées de 40 villages depuis mercredi et « ont conquis toute la région frontalière, de Tal Abyad jusqu’à l’ouest de Ras al-Aïn », selon l’ONG.
« Retrait délibéré »
Les combats et les bombardements turcs ou de leurs supplétifs ont été violents dimanche 13 octobre, tuant au moins 26 civils selon l’OSDH.
Parmi ces victimes, au moins dix ont péri dans un raid de l’aviation turque à Ras al-Aïn contre un convoi comprenant des journalistes, selon l’OSDH. L’ONG a rapporté la mort « d’un journaliste », sans être en mesure de donner son identité. L’agence locale kurde Anha a ensuite rapporté la mort de son correspondant.
Donald Trump a ordonné « un retrait délibéré des forces américaines » du nord syrien, a déclaré le chef du Pentagone Mark Esper, qui a évoqué « moins » de 1.000 soldats concernés.
Depuis mercredi, 104 combattants kurdes et plus de 60 civils ont été tués dans les violences, selon un dernier bilan de l’OSDH. Plus de 130.000 personnes ont été déplacées d’après l’ONU.
La Turquie a annoncé la mort de quatre soldats en Syrie et de 18 civils dans la chute de roquettes kurdes sur des villes frontalières turques.
Le président Recep Tayyip Erdogan a répété dimanche sa détermination à poursuivre l’offensive.
« Ceux qui pensent pouvoir nous contraindre à reculer avec ces menaces se trompent », a-t-il dit après que Berlin et Paris ont annoncé la suspension des ventes d’armes qui pourraient être utilisées contre les forces kurdes. Rome a ensuite demandé un « moratoire » européen sur ces ventes.
Source: Avec AFP