Nous sommes en 2014, dans une clinique des États-Unis réputée pour son service de cancérologie.
Une patiente, âgée de 49 ans et atteinte d’un cancer du sang, a épuisé tous les traitements classiques.
Elle est passée par chaque type de chimiothérapie, et a subi deux greffes de cellules souches – sans résultat.
Elle est en phase IV, c’est-à-dire en phase terminale.
Les médecins lui proposent alors de servir de cobaye à un traitement expérimental. Elle n’a plus rien à perdre.
Elle accepte.
Maux de tête, fièvre, vomissements, et là…
Le protocole de ce traitement inédit est très simple : il consiste en une perfusion.
Cinq minutes après le début de cette injection dans son bras gauche, la patiente développe de violents maux de tête et une forte fièvre : 40 °C !
Puis, elle se met à vomir et à trembler de façon spectaculaire.
Cette patiente présentait une tumeur de la taille d’une balle de golf au niveau du front.
36 heures après ce traitement expérimental, la « balle de golf » s’est évanouie.
Deux semaines plus tard, toute trace de cancer a disparu de son organisme.
Six mois après ce traitement de choc, elle est considérée comme guérie.
Savez-vous ce que contenait la perfusion d’une heure qui a sauvé cette patiente ?
Le virus de la rougeole.
Brusque réveil du système immunitaire
Cette patiente se nomme Stacy Erholtz. Elle est aujourd’hui, officiellement, en rémission complète d’un cancer de phase terminale grâce à la rougeole[1].
Les chercheurs de la clinique où elle était traitée, la Mayo Clinic, travaillaient depuis plusieurs mois sur une version « agressive » du virus de la rougeole, dressée pour tuer les cellules cancéreuses.
La rougeole qu’a reçue en perfusion Stacy Erholtz était une « super-rougeole », version modifiée et ultra-carabinée du virus, à une dose qui n’existe pas dans la nature.
Ce super-virus a agi de deux manières :
il a obligé les cellules cancéreuses à se regrouper… puis à s’autodétruire;
son inoculation a brusquement réveillé le système immunitaire qui a également pourchassé les cellules cancéreuses.
L’effet du virus de la rougeole sur le système immunitaire reste en grande partie un mystère.
Pour nos grands-mères, la rougeole était un virus plutôt bénin, ayant pour avantage d’aider l’enfant à développer ses défenses contre les maladies [2].
Plusieurs études ont observé que les enfants ayant contracté la rougeole développent ensuite peu ou pas de maladies allergiques par rapport aux enfants épargnés par le virus [3].
À l’inverse, une étude de 2015 laissait entendre que l’exposition à la rougeole pouvait affaiblir le système immunitaire de l’enfant pendant deux ans et demi [4].
Bref, la médecine n’a pas les idées claires sur le sujet.
Une chose est sûre : la rougeole a un effet détonant sur le système immunitaire… et peut être dressée à tuer le cancer. Ces virus qui tuent les cellules cancéreuses
Cet effet de la rougeole contre le cancer a été observé pour la première fois au tout début du XXe siècle, après qu’un patient souffrant d’un lymphome au visage a spontanément guéri après avoir eu la rougeole [5].
L’utilisation de virus pour lutter contre le cancer occupe aujourd’hui plusieurs centres de recherche, dont celui de l’Inserm à Nantes[6].
On appelle cet axe de recherche la virothérapie.
Un cas assez médiatisé il y a sept ans a été celui d’une fillette guérie d’une leucémie grâce… au VIH.
Vous avez bien lu : le VIH, le virus du sida.
Il s’agissait bien sûr d’une version modifiée du virus, transformée en laboratoire pour ne plus être dangereuse et ne s’attaquer qu’aux cellules cancéreuses [7].
La rougeole et le VIH ne sont pas les seuls virus « trafiqués » en laboratoire pour les transformer en tueurs de tumeurs : l’herpès, la polio ou encore la variole sont actuellement testés contre :
le mélanome (peau) ;
le cancer du poumon ;
le cancer du cerveau ;
le cancer de l’ovaire.
En 2016, une vaste analyse intitulée « la rougeole à la rescousse » débutait par ces mots : « Les agents issus de la virothérapie sont en train de devenir des candidats sérieux au traitement du cancer. [8] » L’analyse décrit le mode d’attaque de la rougeole contre les cellules cancéreuses, soulignant à la fois son efficacité et son innocuité pour les cellules saines.
Et de fait, c’est le virus de la rougeole qui offre le plus d’espoir dans les recherches de virothérapie actuelles.
Un virus d’enfance pourrait-il devenir notre sauveur à l’âge adulte ?… C’est fascinant, n’est-ce pas ?
Par Rodolphe Bacquet
Source : Alternatif. Bien.être