Si les États-Unis engageaient une autre grande puissance dans un conflit naval à part entière, le vainqueur serait probablement celui qui pourrait remplacer ses missiles et ses navires plus rapidement, indique le magazine bimensuel National Interest dans son numéro publié le dimanche 23 juin.
L’ancien président Bill Clinton a fait remarquer en 1993 que « quand la nouvelle d’une crise éclate à Washington, ce n’est pas un hasard si la première question qui vient à l’esprit est la suivante : “Où est le porte-avions le plus proche ?” » Le même état d’esprit règne à Washington aujourd’hui.
Les États-Unis ont dépêché récemment le groupe aéronaval de l’USS Abraham Lincoln près du golfe Persique dans le but de dissuader une présumée agression iranienne.
Washington a longtemps considéré les porte-avions comme le fleuron de la puissance navale américaine et s’est montré peu enclin à changer d’approche au cours de ces dernières années.
Pour autant, certains experts en matière maritime ont récemment tempéré les sentiments trop positifs de l’administration américaine vis-à-vis des porte-avions.
Tex Hammes, colonel à la retraite du Corps des Marines et chercheur à l’Institut des études stratégiques nationales de l’Université de la Défense nationale, est l’un de ces experts.
Le magazine National Interest a organisé le mercredi 5 juin un petit-déjeuner privé avec Hammes, au cours duquel il a présenté sa proposition novatrice, bien que quelque peu controversée, consistant à remplacer les porte-avions par des bateaux équipés de missiles, bateaux qui seraient mieux armés pour faire face aux défis de la guerre navale moderne.
Selon Hammes, la marine américaine devra faire face à plusieurs défis structurels majeurs dans les années à venir. Outre le manque de navires d’une manière générale, la flotte actuelle manque plus spécifiquement de navires capables de s’adapter à l’évolution rapide que connaissent les combats navals.
Les navires américains ont en fait le même problème que connurent les chevaliers en armure au Moyen Âge.
Bien que les chevaliers étaient bien plus puissants que les archers et arbalétriers rencontrés sur le champ de bataille, leur portée limitée les forçait à s’approcher de leur adversaire avant de pouvoir infliger des dégâts.
Cela avait donné un avantage finalement insurmontable aux archers et arbalétriers, moins puissants mais capables de se battre de loin.
De même que les porte-avions avaient rendu obsolètes les cuirassés, il en va de même aujourd’hui pour les porte-avions par rapport aux missiles. En effet, les portes-avions, pour être efficaces, doivent se positionner relativement prêt de l’ennemi.
Or, les missiles balistiques, en particulier le DF-26 chinois, peuvent facilement frapper les porte-avions américains de très loin.
Un précédent article de National Interest a révélé que la portée d’un avion de combat typique doté d’une charge de neuf tonnes était seulement de 1 300 milles (un peu plus de 2 000 km) jusqu’en 2018.
De plus, rappelle Hammes, le rayon d’action des chasseurs F-35 est inférieur à celui d’un ensemble de drones, de missiles de croisière et de missiles balistiques.
Les porte-avions américains sont non seulement de plus en plus exposés aux attaques à longue distance, mais les progrès continus réalisés dans la technologie des missiles ultra-rapides entraîne ce que Hammes appelle « un tir, un mort » pour les navires américains.
Les super-transporteurs de grande taille, vulnérables et extrêmement onéreux de la marine américaine risquent de devenir des cibles très exposées si cette technologie était utilisée contre eux lors de futurs conflits.
Mais la marine américaine doit également se préparer à des batailles dans plusieurs autres domaines. Outre son rôle classique et la menace croissante des missiles ultra-rapides, la marine doit de plus en plus se préparer à participer à des guerres cybernétique, spatiale, et de drones, chacune nécessitant ses propres équipements et technologies.
La marine doit par ailleurs investir des sommes considérables dans des navires sans pilote pour faire face aux progrès considérables réalisés par les Russes et les Chinois dans ce domaine.
Enfin, la marine américaine doit aussi faire face à des coûts énormes pour remplacer ses sous-marins nucléaires de classe Ohio par les nouveaux modèles de classe Columbia dans les décennies à venir.
Ces remplacements sont essentiels au maintien de la dissuasion nucléaire des États-Unis, mais le Government Accountability Office estime que les coûts de développement et de construction dépasseront le budget prévu pour la marine, d’un montant de 115 milliards de dollars.
Source: PressTV