Dans un climat assombri par la guerre commerciale sino-américaine, le G20 Finances a mis en avant dimanche les « risques » liés à l’aggravation des tensions commerciales, malgré les réticences initiales des Etats-Unis.
C’est une petite ligne dans le communiqué final mais qui a suscité de longues et « compliquées » discussions, d’après des participants. « Le contexte était tendu, les négociations ont pris une trentaine d’heures », confie une source proche des discussions.
« La croissance mondiale semble se stabiliser (…) mais elle reste faible et les risques d’une détérioration demeurent. Surtout, les tensions commerciales et géopolitiques se sont intensifiées », soulignent les ministres des Finances et banquiers centraux du G20, réunis ce week-end au Japon, dans ce texte consulté par l’AFP avant sa publication officielle.
La voix dissonante est venue des semeurs de trouble, ceux qui ont bouleversé l’ordre multilatéral: les Etats-Unis.
« Oui il y a un ralentissement en Europe, en Chine et ailleurs. Mais je ne pense en aucun cas que le ralentissement observé dans plusieurs régions du monde soit la conséquence des tensions commerciales », avait lancé samedi devant la presse le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin.
Il avait par ailleurs réitéré la menace d’infliger à la Chine des droits de douane supplémentaires, si le président américain Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping ne parvenaient pas à trouver un terrain d’entente lors du G20 prévu fin juin à Osaka.
Autour de la table, ses partenaires ont tenu un discours alarmiste.
« De nombreux pays ont exprimé leurs inquiétudes quant aux très importants risques que posent une escalade de la guerre commerciale pour la croissance mondiale », avait ainsi commenté un haut responsable japonais à l’issue des premières sessions de travail.
Les banques centrales aux aguets
Parmi eux, la France s’est montrée particulièrement inquiète. « Le risque de voir ce ralentissement économique mondial se transformer en crise économique mondiale en raison de tensions commerciales, ce risque est réel et chacun doit le peser », a déclaré à l’AFP le ministre des Finances Bruno Le Maire, en marge de la réunion de Fukuoka.
« Une guerre commerciale aura sur notre économie, notre vie quotidienne, nos emplois un impact direct négatif que nous voulons absolument éviter », a-t-il insisté, qualifiant le G20 de « bon forum pour discuter de ces sujets ».
Même tonalité du côté de Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI).
« Clairement, les tensions commerciales représentent un risque majeur à l’horizon », a-t-elle souligné dans une interview au quotidien économique japonais Nikkei.
Selon les estimations du FMI, les tarifs punitifs imposés par Washington et Pékin, y compris ceux en vigueur depuis l’année dernière, pourraient réduire le PIB mondial de 0,5% en 2020.
Avant la rencontre du G20, Mme Lagarde avait fait de ce dossier « la priorité absolue », exhortant les pays membres à maintenir une politique monétaire accommodante pour soutenir l’activité.
Réserve fédérale américaine (Fed), Banque centrale européenne (BCE), Banque du Japon (BoJ): les grandes banques centrales sont toutes sur le qui-vive, prêtes à agir si nécessaire, même si leurs marges sont limitées tant elles ont déployé des moyens en masse depuis la crise financière d’il y a 10 ans.
Le gouverneur de la BoJ, Haruhiko Kuroda, a répété sa vigilance face aux « incertitudes ».
Gafa: « redoubler d’efforts »
Autre sujet phare de ce G20 Finances, la réforme de la taxation du numérique, et là le consensus a semblé dominer la rencontre même si les différents pays restent divisés sur la méthode.
Les grands argentiers des économies majeures de la planète ont promis de « redoubler d’efforts » pour mettre en place un système fiscal plus juste.
L’objectif est de parvenir à un accord final « d’ici à 2020 », une avancée rendue possible par le changement d’attitude des Etats-Unis, qui bloquaient les négociations depuis des années.
Taxer Facebook, Google et autres multinationales du numérique (Gafa) non plus en fonction de la présence physique, de là où se situent leurs bureaux, mais de là où elles enregistrent leurs revenus: voilà l’idée.
Les divergences restent toutefois fortes sur les moyens d’application, Washington privilégiant une approche très large ne se limitant pas au secteur numérique.
Source: AFP