Depuis quelques semaines, la controverse sur la livraison d’armes françaises à l’Arabie Saoudite revient régulièrement dans l’actualité. Le mardi 28 mai, le média indépendant d’investigation Disclose affirme qu’un chargement de munitions devait avoir lieu sur un cargo saoudien dans le port de Marseille-Fos, dans les Bouches-du-Rhône, quinze jours après qu’un cargo saoudien a renoncé à embarquer des armes françaises pour l’Arabie saoudite dans le port du Havre.
Le navire qui doit embarquer les armes à partir du port de Marseille-Fos est le Bahri Tabuk, un bateau battant pavillon saoudien, ayant accosté ce mardi, peu avant 17h, indique l’AFP. Pour de nombreuses ONG, il s’agit d’un sujet extrêmement sensibles car ces armes, dont des munitions pour les canons Caesar français, sont soupçonnées de pouvoir servir à tuer des civils au Yémen. Ces munitions seraient fabriquées par une filiale du groupe Nexter.
Interrogée à l’Assemblée Nationale par Bénédicte Taurine, députée LFI de l’Ariège, Florence Parly a expliqué ce jour que ses services étaient « en train de vérifier ». « Et quand bien même ce serait le cas, cela serait-il étonnant ? Non, car nous avons un partenariat avec l’Arabie Saoudite » a déclaré la ministre des Armées.
Un partenariat que la ministre a justifié par « la présence de 40.000 ressortissants français dans le golfe arabo-persique » notamment, avant d’être interrompue par le chahut provoqué dans l’hémicycle, par sa réponse.
Un député communiste des Bouches-du-Rhône, Pierre Dharréville, a réclamé « un moratoire » sur les livraisons d’armes à l’Arabie saoudite. Samia Ghali, sénatrice socialiste des Bouches-du-Rhône, a elle aussi demandé un moratoire sur les livraisons d’armes à l’Arabie saoudite, refusant que le port de Marseille devienne « la nouvelle route de l’arme de guerre ».
Le port de Marseille-Fos « ne servira pas à charger des armes ou des munitions », a pour sa part assuré à l’AFP Laurent Pastor, un responsable syndical des dockers, promettant que le chargement serait « vérifié ». Selon lui, le chargement du Bahri Tabuk a été présenté comme du « matériel civil pour un projet lié à l’énergie » et est prévu mercredi.
Le 10 mai dernier, un autre cargo saoudien de la compagnie maritime Bahri, le Bahri Yanbu, avait renoncé à accoster au port du Havre où il devait prendre livraison d’armes françaises. L’affaire avait été là aussi dévoilée par Disclose, le média indépendant qui avait également révélé mi-avril une note confidentielle de la Direction du renseignement militaire (DRM), listant les armes françaises utilisées dans la guerre contre les civils yéménites.
Néanmoins, trois journalistes ayant participé à cette enquête ont été récemment auditionnés par les services de renseignement français. Ces convocations ont suscité un tollé dans la profession qui dénonce une atteinte à la liberté de la presse.
Ansarullah réplique à Le Drian
« Oui c’est une sale guerre, oui il faut l’arrêter, oui il faut que les Saoudiens et les Emiriens arrêtent, oui il faut être extrêmement vigilant sur les ventes d’armes à l’égard de ces pays. C’est ce que nous faisons », a déclaré mardi sur France Inter le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. « Nous respectons scrupuleusement » le traité sur le commerce des armes, a-t-il indiqué.
En réaction, le porte-parole du mouvement de résistance yéménite Ansarullah a affirmé que les déclarations du chef de la diplomatie française sont insuffisantes.
« Nous saluons les déclarations du ministre français des Affaires Etrangères, mais elles restent insuffisantes tant que Paris ne met pas fin à la vente d’armes aux pays de l’agression (coalition saoudo-émiratie) », a écrit Mohammad Abdel Salam sur Twitter.
Et d’appeler « tous les pays impliqués dans la vente d’armes à la coalition à réviser ces transactions qui ont causé des massacres odieux à l’encontre des Yéménites ».
Amnesty appelle à bloquer le bateau de la honte
Dans un communiqué, Amnesty International a appelé la France à bloquer le départ de ce « bateau de la honte » pour l’Arabie saoudite, son chargement pouvant servir pour des « crimes de guerre » commis par les forces armées saoudiennes au Yémen.
Dans ce texte, l’ONG affirme que le Bahri Tabuk serait arrivé à Fos-sur-Mer avec des véhicules blindés canadiens à bord. Il y a des « raisons légitimes » de penser que des munitions françaises vont aussi être chargées, poursuit Amnesty.
L’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture) France a indiqué avoir déposé mardi après-midi un référé-liberté contre l’autorisation de charger des armes qui aurait été délivrée au cargo Bahri Tabuk par la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Cette association avait déjà déposé un recours contre le chargement du Bahri Yanbu au Havre, mais celui-ci avait été rejeté le 10 mai.
Source: Médias