Les récentes attaques contre des cibles pétrolières saoudiennes et émiraties dans le Golfe soulignent la vulnérabilité des voies alternatives d’exportation au stratégique détroit d’Ormuz, selon des analystes.
Principalement conçu pour éviter Ormuz en cas de fermeture du détroit, un oléoduc saoudien pouvant transporter cinq millions de barils de brut par jour et traversant le pays d’est en ouest a été visé par une attaque de drones, revendiquée mardi par les rebelles Houthis soutenus par l’Iran.
Deux jours plus tôt, quatre navires, dont deux tankers saoudiens, avaient été endommagés par de mystérieux « actes de sabotage » au large du port de Fujaïrah (Emirats arabes unis), à l’entrée du Golfe, également développé pour éviter Ormuz.
Les Etats du Golfe s’efforcent depuis des années de trouver des routes pour contourner le détroit, par lequel passe 35% du pétrole transitant par voie maritime, selon l’Agence d’information sur l’énergie du gouvernement américain (AIE).
L’Iran a menacé à plusieurs reprises de bloquer Ormuz en cas de conflit avec les Etats-Unis, qui ont récemment durci leurs sanctions contre Téhéran, notamment contre son secteur énergétique.
« Si notre pétrole ne peut pas passer par le détroit, le pétrole d’autres pays ne pourra certainement pas passer non plus », a prévenu le 28 avril le général Mohammad Bagheri, chef d’état-major des forces armées iraniennes.
L’arrêt de la navigation à Ormuz ferait probablement grimper les prix du pétrole à plus de 100 dollars le baril et perturberait considérablement l’approvisionnement, selon Kamel al-Harami, expert pétrolier koweïtien.
« Les voies alternatives existantes pour les exportations de pétrole ne sont ni suffisantes ni pratiques », dit-il à l’AFP. « Plus important encore, ces routes sont éloignées des principaux marchés d’Asie ».
Oléoducs stratégiques
Les six pays du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar), ainsi que l’Irak et l’Iran, produisent près du quart de la production mondiale de brut, soit 100 millions de barils par jour.
A l’exception de celle d’Oman, la quasi-totalité de leurs exportations, estimée à 15 millions de barils par jour, soit un tiers de l’approvisionnement mondial en brut par mer, doit passer par le détroit d’Ormuz.
Pour tenter d’éviter cet étroit passage de 50 km entre l’Iran et Oman, Ryad a construit l’oléoduc de 1.200 km visé par l’attaque de drones, qui part de la province Orientale, riche en pétrole, vers la mer Rouge (ouest), où des pétroliers peuvent être chargés. Le royaume s’efforce de porter sa capacité à sept millions de barils par jour.
Les Emirats arabes unis ont également construit un oléoduc de 406 km entre Abou Dhabi et l’émirat de Fujaïrah, près d’Ormuz. La capacité de l’oléoduc est de 1,6 million de barils par jour.
En outre, une vaste zone de stockage de quelque 70 millions de barils a été construite à Fujairah, et Abou Dhabi vient de signer un contrat de 1,2 milliard de dollars pour développer une deuxième zone de stockage de 42 millions de barils dans cet émirat.
Fournisseur fiable?
« L’Arabie saoudite s’est positionnée comme un fournisseur sûr et fiable de pétrole. Les attaques remettent en question cette position », a écrit sur Twitter Anas al-Hajji, expert pétrolier basé aux Etats-Unis.
M. Hajji a qualifié les attaques d' »importantes » car visant des oléoducs développés pour limiter la capacité de nuisance de l’Iran sur les flux pétroliers régionaux.
Mais les installations pétrolières saoudiennes sont dans l’ensemble bien protégées et les assaillants se sont concentrés sur des cibles plus éloignées et plus vulnérables, précise-t-il.
Le transit du pétrole dans la région avait été interrompu en 1984 pendant la guerre Iran-Irak (1980-1988), lorsque plus de 500 navires avaient été détruits ou endommagés pendant la « guerre des pétroliers ».
Depuis un an, les tensions n’ont cessé de monter dans le Golfe après que le président américain Donald Trump s’est retiré de l’accord sur le nucléaire iranien avant de réimposer de sévères sanctions contre Téhéran.
« Les marchés seront toujours agités » et « cela peut aller bien au-delà des prix du pétrole car de nombreuses autres matières premières traversent le détroit d’Ormuz », indique à l’AFP Karen Young du centre de réflexion American Enterprise Institute.
Les principaux perdants d’une éventuelle fermeture d’Ormuz seraient les exportateurs de pétrole du Golfe, mais les importateurs asiatiques, principalement la Chine, le Japon et la Corée du Sud qui dépendent pour plus de la moitié de leurs besoins énergétiques des importations du Moyen-Orient, seraient aussi pénalisés.
Selon M. Harami, plus de 60% des exportations énergétiques du Golfe sont destinées à l’Asie et seulement 10 à 15% aux Etats-Unis.
Source: AFP