L’Arabie saoudite s’est retrouvée mercredi sous le feu des critiques au lendemain d’exécutions massives de Saoudiens.
Sur les 37 Saoudiens exécutés le mardi 23 avril, au moins 33 appartiennent à la minorité chiite du royaume dominé par le wahhabisme. Une école islamiste qui a engendré la nébuleuse d’al-Qaïda et la mouvance des takfiristes.
Des mineurs, des manifestants, un religieux, un handicapé et des militants figurent parmi ces 33 martyrs , précise sur son site l’organisation européenne saoudienne pour les droits de l’homme (ESOHR).
Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme, l’Union européenne, l’Iran, Amnesty international et Human Rights Watch (HRW) ont été parmi les premiers à dénoncer la mise à mort de 37 hommes en une seule journée, ce qui porte à 107 le nombre d’exécutions depuis le début de l’année.
Les 33 chiites exécutés mardi ont été condamnés à l’issue de procès « injustes » et les autorités ont obtenu des aveux de « nombre d’entre eux » par la torture, a déclaré HRW.
« L’exécution massive des prisonniers montre que les dirigeants saoudiens n’ont que peu d’intérêt à améliorer le triste bilan du pays en matière de droits humains », a déclaré Michael Page, directeur adjoint de HRW pour le Moyen-Orient.
« Outil politique »
Dès mardi, Amnesty International avait condamné ces exécutions. « C’est une autre indication de la façon dont la peine de mort est utilisée comme un outil politique pour écraser la dissidence au sein de la minorité chiite du pays », avait dit Lynn Maalouf, directrice de recherche sur le Moyen-Orient.
Téhéran a dénoncé le silence des Etats-Unis.
« Après avoir fermé les yeux sur le démembrement d’un journaliste (Jamal Khashoggi), pas un mot du gouvernement Trump quand l’Arabie saoudite décapite 37 hommes en une journée, allant jusqu’à crucifier un homme deux jours après Pâques », a écrit le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif sur Twitter.
« Etre membre du groupe des B. –Bolton, Ben Salmane, Ben Zayed et « Bibi »– assure l’impunité pour tout crime », a ajouté M. Zarif.
John Bolton est le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Mohammed ben Salmane, le prince héritier saoudien, Mohammed ben Zayed, son homologue et allié émirati, et « Bibi » est le surnom du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
Hezbollah: Washington est un partenaire clé des crimes odieux en Arabie
Le Hezbollah a également dénoncé ces exécutions et accusé Washington d’être « un partenaire clé des crimes odieux » en Arabie saoudite.
« Le Hezbollah condamne fermement les crimes odieux commis pas le régime criminel saoudien contre des dizaines de civils innocents, dont la seule faute a été de réclamer la liberté et la liberté d’expression », a écrit le mouvement dans un communiqué.
Le Hezbollah a exhorté « les peuples du monde ainsi que les organisations internationales et de défense des droits de l’homme à faire entendre leur voix et à faire pression sur leurs gouvernements, en particulier les États-Unis, pour qu’ils dénoncent ce régime cruel et despote et dévoilent son rôle dans l’établissement, le soutien et le parrainage des organisations terroristes », lit-on dans le communiqué.
Il a également dénoncé le silence douteux de la communauté internationale envers les crimes commis par le régime saoudien.
« Risques » de tensions
Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme a lui aussi vivement réagi aux exécutions de mardi.
« Je condamne fermement ces exécutions de masse choquantes (…) en dépit des inquiétudes soulevées au sujet de ces cas par de nombreux Rapporteurs spéciaux de l’ONU, par le Comité de l’ONU sur les droits de l’enfant et d’autres », a déploré la Haut-Commissaire, Michelle Bachelet.
Elle a en particulier jugé « odieux » le fait qu’au moins trois des suppliciés étaient mineurs au moment de leur procès.
Un porte-parole de l’Union européenne s’est de son côté inquiété d’une « tendance négative » concernant les exécutions en Arabie saoudite, qui « contraste fortement avec le mouvement abolitionniste croissant dans le monde entier ».
« Ces exécutions massives soulèvent de sérieux doutes quant au respect du droit à un procès équitable, qui est une norme minimale internationale fondamentale de justice », a-t-il dit, s’inquiétant des « risques » de tensions confessionnelles que ces exécutions pourraient provoquer.
Des démocrates US appellent à redéfinir la relation avec Ryad
Entre-temps, des responsables démocrates américains ont appelé mercredi à repenser l’alliance entre Washington et Ryad après ces exécutions.
Pour le sénateur américain Bernie Sanders, candidat à l’investiture démocrate pour la présidentielle de 2020, ces exécutions « montrent à quel point il est devenu urgent pour les Etats-Unis de redéfinir notre relation avec le régime despotique en Arabie saoudite », allié historique de Etats-Unis au Moyen-Orient.
Washington devrait « montrer que les Saoudiens n’ont pas carte blanche pour continuer à violer les droits humains et dicter notre politique étrangère », a estimé M. Sanders.
La sénatrice démocrate Dianne Feinstein a rappelé avoir demandé de « reconsidérer notre relation avec l’Arabie saoudite » après l’assassinat en octobre du journaliste Jamal Khashoggi dans l’enceinte du consulat d’Arabie à Istanbul.
« Ces dernières informations renforcent mes inquiétudes. Nous ne pouvons pas ignorer le recours croissant de l’Arabie saoudite aux exécutions, surtout quand tant de questions entourent la validité des procès », a-t-elle tweeté.
Trump n’avait pas réagi dans l’immédiat. Le président républicain s’est engagé par le passé à préserver les relations étroites entre son administration et l’Arabie, même après le meurtre de Jamal Khashoggi.
La porte-parole du département d’Etat n’a pas commenté les exécutions mais a prétendu que les Etats-Unis s’opposaient à la peine capitale dans les cas où la personne exécutée était mineure au moment du crime présumé.
L’administration Trump considère l’Arabie comme un partenaire de taille en raison de ses achats d’armes américaines, ses réserves de pétrole et son hostilité envers l’Iran.
Sources: AFP + PressTV