C’était la onzième et la plus importante réunion entre le président russe Vladimir Poutine et le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Le visiteur a entendu clairement de la bouche de son hôte que Moscou n’est pas en mesure de demander à l’Iran de quitter la Syrie ou de stopper l’envoi d’armes à Damas, et que la Russie n’a aucun droit de regard sur la relation entre la Syrie et l’Iran. Moscou a informé Tel-Aviv de la « détermination de Damas à riposter à tout bombardement à venir et que la Russie ne se sent pas concernée. »
Selon des sources bien informées à Damas, « les quelques heures qu’a durée la visite du président Bachar al-Assad à Téhéran ont suffi à envoyer des messages dans toutes les directions. Le premier message est le fait que la visite a eu lieu juste avant la réunion planifiée entre Netanyahu et Poutine. Le second message était d’afficher la relation ultra solide entre l’Iran et la Syrie, à l’abri de toute ingérence de l’étranger, qu’elle provienne des USA ou de la Russie, et que la Syrie possède le droit souverain de choisir ses partenaires stratégiques. Le caractère secret de la visite – même Moscou n’a pas été informé à l’avance – en dit long sur la relation syro-iranienne. »
« La Russie a exercé des pressions sur le président Obama pour empêcher les USA de bombarder Damas sous le faux prétexte de l’utilisation d’armes chimiques, puis s’est installé militairement en Syrie en 2015. La Russie a contribué à la victoire de la Syrie, a imposé un dialogue politique et a protégé la Syrie sur la scène internationale, en accélérant le retour des réfugiés (les USA voulaient se servir des réfugiés dans une tentative ratée d’obtenir des concessions qu’ils n’ont pu obtenir par la guerre). La Russie met aussi de la pression sur de nombreux pays pour qu’ils participent à la reconstruction de la Syrie et rétablissent leurs relations diplomatiques avec Damas. La Russie est un allié stratégique, mais n’exerce aucun pouvoir de contrôle sur le gouvernement central », d’expliquer la source.
La relation stratégique entre Damas et Téhéran (en tant que composantes de l’Axe de la résistance) remonte à bien longtemps avant la guerre. En 2011, l’Iran a accouru à la rescousse du gouvernement central à Damas pour contrer le plan de « changement de régime » des USA, de l’UE et des pays arabes. Son intervention a contrecarré leur intention de transformer la Syrie en émirats islamiques dirigés par des djihadistes takfiristes. Pendant les sept années de guerre, Téhéran a offert son pétrole, son aide financière et son soutien militaire à la Syrie. Il a aussi rejeté toute proposition, même par la Russie, de remplacer le président Assad ou toute autre personnalité syrienne, ce que les USA demandaient sans relâche.
La Russie a d’excellente relations avec Israël et a l’intention de les poursuivre. L’Iran, par contre, est prêt à faire la guerre à Israël si Netanyahu décide de bombarder des objectifs stratégiques importants en Syrie. Le chef du conseil de sécurité national de l’Iran, l’amiral Ali Shamkhani, a dit que si Israël bombarde la Syrie, l’Iran ripostera en frappant des cibles israéliennes. L’ambassadeur syrien à l’ONU a lancé le même avertissement, en affirmant que son pays allait riposter si Damas est bombardé.
Depuis ces derniers avertissements, Israël s’est gardé de violer la souveraineté syrienne (mis à part un bombardement de l’artillerie insignifiant contre une position inoccupée dans le sud de la Syrie). Les responsables iraniens en Syrie ont répondu sans ambages à leurs homologues russes qui voulaient connaître des détails sur les lieux de leur déploiement militaire en Syrie. Les Iraniens ont dit aux militaires russes d’informer Israël que les positions iraniennes ont été intégrées à celles de l’armée syrienne dans l’ensemble du territoire syrien, et que tout bombardement de l’armée syrienne frappera aussi des conseillers iraniens.
L’Iran a en effet demandé à la Russie d’informer Israël que toute nouvelle attaque israélienne entraînera des représailles, puisque les conseillers iraniens sont présents au Levant à la demande officielle du gouvernement syrien. En cas d’attaque, il devient ainsi justifié pour l’ensemble des forces alliées de répondre à toute agression à venir en employant la même puissance de feu.
Netanyahu semble prêt à bombarder la Syrie. Sauf que si l’Iran et la Syrie tiennent leur promesse de riposter, il ne pourra pas stopper les missiles de précision prêts à être lancés contre Israël. Le premier ministre israélien ne cherche pas à déloger l’Iran de la Syrie, un objectif qu’il sait impossible. Il n’aspire pas plus à détruire la capacité militaire de la Syrie, puisque la Russie continue à livrer à Damas des armes ultra perfectionnées. Son seul objectif plausible est électoraliste, dans l’espoir de se sauver de l’intention de l’inculper pour corruption présumée, fraude et abus de confiance. Un deuxième mandat pourrait retarder cette inculpation et prolonger son immunité.
Cependant, si le premier ministre israélien décide de bombarder la Syrie, sa décision pourrait avoir un effet boomerang, surtout si des missiles syriens frappent mortellement des cibles au cœur même d’Israël. Netanyahu prendra-t-il le risque de bombarder son avenir politique? La décision lui appartient.
Par Elijah J. Magnier