Il y a quelques jours, le président turc a annoncé son intention de lancer une nouvelle opération militaire sur le sol syrien. Il a déclaré : « Notre opération commence dans deux jours à l’est de l’Euphrate », précisant que la cible de cette intervention n’est pas « les soldats américains », mais les « terroristes » qui, pour lui, sont les Kurdes.
A peine l’intention de Erdogan dévoilée que le pseudo « Conseil exécutif pour la gestion autonome du Nord et de l’Est de la Syrie », relevant des unités kurdes séparatistes, s’est empressé de déclencher l’alarme générale, appelant la coalition internationale dirigée par Washington à intervenir. Le capitaine Sean Robertson, porte-parole du Pentagone, a aussitôt averti la Turquie que « toute attaque » menée contre les « alliés kurdes » dans le nord du pays sera « inacceptable »…
En vérité, ce qui est étonnant n’est pas ce qui précède, mais c’est l’appel adressé par ce pseudo Conseil exécutif, et récemment diffusé sous forme de communiqué par l’agence de presse « Hawar », au gouvernement syrien le sommant de prendre une « position officielle contre cette menace », car Erdogan veut occuper une « partie » de la Syrie ; ce qui signifie, selon cette déclaration, « une attaque contre la souveraineté syrienne »… !
C’est la deuxième fois, ou peut-être la troisième, que ce Conseil adresse un tel appel à Damas ; ce qui suscite plusieurs questions, nécessitant des réponses, sur toutes les actions et les contradictions de ce «Conseil» et de ses défenseurs … !
Si l’incursion turque est un désir d’occuper une partie du territoire syrien et une attaque contre sa souveraineté, la présence américaine, avec ses bases et ses forces, et les terres sous son contrôle, est-elle juste pour « pique-niquer » dans la région orientale de l’Euphrate et autres ? Cette présence respecte-t-elle la souveraineté syrienne ?
Si, avec « votre Conseil », à chaque fois que vous êtes ciblés par une nouvelle attaque de Erdogan, ou d’autres, vous invitez Damas à vous défendre, comme cela s’est déjà produit dans les villes d’Aïn al-Arab (Kobané) et Afrin, ainsi que dans toutes les autres régions syriennes à majorité kurde, alors que, avec « votre Conseil », vous étiez les premiers à empêcher et révoquer toute présence légitime (civile ou sécuritaire ou militaire) de ce gouvernement, que vous implorez aujourd’hui et tous les jours de vous protéger, comment cela est-il possible au regard de vos actes ?
Et avec ça, c’est ce même gouvernement qui vous a tendu la main et vous a assisté –et continue encore à vous aider- dès le début de l’incursion turque dans ces régions, vous soutenant, comme tout le monde le sait, matériellement et humainement…
Pensez-vous que les Etats-Unis, dans leurs relations différentielles avec la Turquie et vous, abandonneront Erdogan pour vous choisir, alors qu’il n’entreprend rien sans coordination totale avec Washington ?
Que signifie alors la déclaration de l’envoyé spécial américain en Syrie, James Jeffrey, quelques jours à peine avant l’annonce d’Erdogan de son intention de mener une action militaire, et à l’issue de la réunion de la troisième force opérationnelle interarmées turco-américaine tenue le 7 décembre à Ankara : « Nous affirmons toujours que notre travail avec les forces démocratiques syriennes contre ISIS est provisoire et tactique» ? Il a en outre assuré que les USA procédaient à un «contrôle de sécurité » pour respecter l’engagement américain à évacuer les «Kurdes armés » de Manbij et à garantir leur absence des conseils locaux, ainsi que le personnel militaire local.
Comment interprétez-vous cela ? Faites-vous face aujourd’hui à une escalade américaine contre la Turquie ou à une transaction ?
Qu’en est-il de votre crédibilité vis-à-vis de vous-mêmes et de vos partisans ? Et auprès de l’État syrien qui vous a toujours ouvert la porte en tant que citoyens syriens et non en tant que séparatistes ? Qu’en est-il de votre crédibilité aux yeux de ceux qui vous ont dupé -et continuent à vous berner- en vous faisant croire qu’ils sont vos alliés sur lesquels vous pouvez compter jour et nuit ?
Pour un séparatiste œuvrant à établir son entité et à réaliser son rêve d’un mini-état national, ne devrait-il pas être capable de se protéger contre tous les dangers et les affres qui le guettent, sans avoir besoin de l’aide de quiconque ?
En conclusion, la question kurde au nord et à l’est de la Syrie ne cesse de s’aggraver, jusqu’à être la préoccupation de tout un chacun. Comme prévu, les frères kurdes, avec leurs différentes motivations, connexions et positions, semblent être bien seuls sur le terrain. Et peut-être que ceux qui leur ont édifié le mirage d’un « New Jersey » à l’est de l’Euphrate l’ont déjà noyé ou presque … !
C’est pourquoi la moindre des choses qui s’impose à ceux qui reconnaissent la seule souveraineté de l’État national syrien sur son territoire est de le proclamer publiquement, jour après jour, et d’abandonner toute velléité, que ce soient les relations avec les Américains ou les paris sur une quelconque alliance.
Il ne suffit pas à quelqu’un d’être seulement un combattant, ni d’escalader les montagnes Qandil, ni même d’aller sur la lune, il s’agit de choisir sa guerre et son terrain qui ne contreviennent pas au contexte géographique, historique et humain dans lequel il se trouve. Nous pensons que toute guerre et tout théâtre qui ne sont pas aujourd’hui menés aux côtés et avec l’Armée arabe syrienne sont inévitablement perdus et hors propos. Actuellement, le temps passe vite et tend vers la victoire réalisée à un rythme soutenu par l’Etat syrien et ses alliés. En ferez-vous partie sans « votre conseil » ?
Par Mahran Nizar Ghatrouf ; traduit par Rania Tahar
Sources : Katehon ; Réseau international