Les Tunisiens ont organisé lundi soir une manifestation contre la visite prévue le lendemain du prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, soupçonné d’être le commanditaire du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi.
« Ben Salmane, criminel de guerre », « bourreau d’enfant », « meurtrier en chef », ont crié les manifestants.
Dans le centre de Tunis, une centaine de manifestants ont brandi, lundi 26 novembre, des banderoles hostiles au prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (MBS), qui doit se rendre dans le pays mardi. L’homme fort de l’Arabie saoudite est soupçonné par la CIA d’être le commanditaire de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi.
À l’appel de militants des droits de l’Homme et de journalistes, les manifestants ont exprimé leur colère face à une visite considérée comme une « profanation de la Tunisie, pays de la révolution ».
Une affiche géante placardée sur la façade des locaux du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) montrait un Saoudien de dos, une tronçonneuse à la main.
Sur le mur des locaux de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), une autre affiche représentait un Saoudien armé d’un fouet et proclamait « Le bourreau des femmes n’est pas le bienvenu ».
Un clown imitait par ailleurs Mohammed ben Salmane, sortant des membres ensanglantés d’une valise.
Jamal Khashoggi, éditorialiste saoudien critique du pouvoir, a été tué et démembré le 2 octobre au consulat de son pays à Istanbul. Ce meurtre a terni l’image de l’Arabie saoudite, notamment celle du prince héritier. La justice saoudienne prétend de son côté que le dirigeant n’avait aucune connaissance de l’organisation du meurtre de Khashoggi.
« La Tunisie ne s’honore pas »
Dans une lettre ouverte à la présidence tunisienne, le SNJT a dénoncé cette visite comme une « violation flagrante des principes de notre révolution ». La Fédération internationale des journalistes a soutenu « la position courageuse » du SNJT, dans une lettre adressée à ce syndicat.
« La Tunisie ne s’honore pas en recevant une personne impliquée dans un crime odieux contre un journaliste, qui mène une guerre contre le Yémen et qui n’a aucun respect pour les droits de l’Homme », a déclaré Soukaina Abdessamad, secrétaire générale du SNJT, lors d’une conférence de presse.
Sur les réseaux sociaux en Tunisie, nombre d’internautes ont également réagi avec le hashtag « La Ahla bika fi Tounès » en arabe, qui signifie « Tu n’es pas le bienvenu en Tunisie ».
Une autre manifestation est prévue mardi à 12 h locales (11 h GMT) à Tunis et un syndicat étudiant a appelé à manifester mardi à Sfax.
Le comité d’avocats tunisiens a, pour sa part, décidé de porter plainte contre MBS pour sa responsabilité dans le meurtre de Khashoggi.
Mohammed ben Salmane, qui s’est rendu aux Émirats arabes unis puis à Bahreïn, est attendu pour quelques heures mardi à Tunis, selon la présidence tunisienne.
Sa visite sera la première d’un membre de la famille royale depuis la révolution de 2011 en Tunisie, qui a chassé du pouvoir l’ex-dictateur Zine el-Abidine Ben Ali, réfugié depuis en Arabie saoudite.
Les autorités tunisiennes entretiennent de bonnes relations avec Riyad. Le ministre tunisien des Affaires étrangères, Khemaies Jhinaoui, tout en condamnant l’assassinat de Jamal Khashoggi, avait souligné que cela « ne doit pas être (…) une raison pour s’attaquer à la stabilité du royaume ».
Début octobre, l’armée de l’air tunisienne a mené en Tunisie les premières manœuvres jamais organisées avec les forces saoudiennes, qui avaient été vivement critiquées par des ONG locales.
2 milliards de dollars de dépôt et du pétrole
Et puis dans une tentative d’embellir son visage, le royaume wahhabite envisage d’accorder à la Banque centrale de Tunisie un dépôt de deux milliards de dollars (environ 5,8 milliards de dinars), a rapporté le journal tunisien “Al-Moussawar”.
Selon la même source, Riyad a également décidé de fournir des quantités de pétrole à la Tunisie, à des prix préférentiels de 400 millions de dollars par an.
Dans un autre contexte, une assistance sera fournie à l’armée de l’air tunisienne sous la forme du don d’un certain nombre d’avions de guerre et d’hélicoptères.
Avec AFP + Reuters + Tunisie numerique