Aux niveaux local, régional et international, tout le monde est dans l’expectative de l’aboutissement de la situation dans la province syrienne d’Idlib, et cette attente est faite d’un mélange de pronostics et d’interrogations.
Certains tendent à affirmer la nécessité de mettre en œuvre l’accord de Sotchi qui a changé le cours des événements, mais qui, depuis deux mois de sa mise en application sur le terrain, n’a pas produit de résultats concrets, notamment du côté turc !
D’autres tendent à penser que l’action militaire est inévitable, surtout que l’armée syrienne s’y était déjà préparée en mobilisant les moyens les plus importants depuis le début de la guerre, en raison de la spécificité d’Idlib qui rassemble le plus grand regroupement terroriste, principalement dû à la liquidation des foyers sensibles répartis sur la majeure partie du territoire syrien.
D’autres encore soutiennent que, pour appliquer l’accord de Sotchi, une action militaire « partielle » contre les groupes terroristes les plus radicaux, tels le Front al-Nosra, est obligatoire, ce qui pourrait pousser la partie turque à prendre au sérieux la détermination de l’armée syrienne et ainsi accélérer son action pour exécuter l’accord de Sotchi.
Ultérieurement à la signature de l’accord de Sotchi, la partie russe, par la voix du ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, a confirmé que la Turquie « s’est engagée » à séparer l’opposition disposée à s’impliquer dans le processus politique du « Front al-Nosra », ce qui n’est pas une tâche « facile », et « espère » toujours que la Turquie puisse séparer « l’opposition normale, sensée et patriotique » du Front al-Nosra.
Alors que la partie syrienne, également par la voix de son ministre des Affaires étrangères Walid al-Mouallem, a déclaré que Damas estime que la Turquie est « capable de remplir ses engagements envers l’accord sur Idlib ». Il a ajouté avoir reçu des « garanties » de son homologue russe Lavrov « quant à l’application de l’accord de Sotchi par la Russie et la Turquie ».
Au vu de l’évolution des événements concomitants à l’accord sur Idlib depuis sa proclamation le 17 septembre, nous avons noté la recrudescence des agressions terroristes contre la ville d’Alep, les campagnes de Hama et la Lattaquié, ainsi que les efforts de la Turquie de renforcer sa présence dans l’arrière-pays syrien, jusqu’à l’incursion récente dans la ville d’Al-Lataminah dans la campagne nord de Hama, avec des informations contradictoires concernant l’évacuation de radicaux armés, le transfert ou la dissimulation d’armes lourdes de la zone démilitarisée, ainsi que la résurgence du chaos lié au dossier chimique entre les groupes armés qui revient au-devant de la scène avec ses répercussions désormais connues de tous.
Tous ces développements peuvent être associés aux déclarations faites récemment par le président turc qui a souligné que tout retrait de ses troupes des zones occupées dans le nord de la Syrie est subordonné à la tenue d’élections auxquelles les Syriens de là-bas participeront ! Ceci explique les tergiversations de la Turquie dans la mise en œuvre de l’accord de Sotchi, celle-ci cherchant à avoir l’assurance de sa participation à tout prochain processus politique syrien en échange de son retrait !
Et c’est ce que les dirigeants syriens rejettent catégoriquement, en affirmant constamment que toute solution doit être syro-syrienne et qu’aucune ingérence extérieure n’est tolérée.
Lors de la dernière réunion du Comité central du Parti arabe socialiste Baath, le Président Bachar Assad a souligné que la position de l’Etat syrien quant à l’accord conclu sur Idlib est claire, expliquant que : «Cette province ainsi que d’autres territoires syriens restés sous le contrôle des terroristes reviendront à l’État syrien, et l’accord est une mesure temporaire grâce à laquelle l’État a réalisé de nombreux bénéfices sur le terrain et a épargné l’effusion de sang en premier lieu.»
C’est ce qui explique la temporisation de l’armée syrienne, qui s’inscrivait dans le cadre de la stratégie syro-russe pour bloquer les projets internationaux relatifs à Idlib, ce qui a permis l’émergence de l’accord de Sotchi qui, à son tour, a reporté l’action militaire et ouvert la voie à la solution pacifique.
Cependant, lorsque la décision d’engager l’action militaire sera prise, nous ne pensons pas qu’elle s’arrêtera sans avoir accompli toutes ses missions, conformément aux décisions de l’État syrien déterminé à libérer l’ensemble du territoire syrien du terrorisme, soit par des règlements soit par des opérations militaires, et dans la ligne stratégique de ses alliés russe et iranien, surtout que l’on sait maintenant que l’armée syrienne a étudié avec ses alliés tous les plans et tous les scénarios qui lui permettront de gagner la bataille décisive.
Dans ce cas, la question qui reviendra le plus sera : la prochaine bataille d’Idlib, si elle a lieu, sera-t-elle menée uniquement contre les factions armées ? Ou bien les choses iront-elles jusqu’à l’affrontement direct avec les forces de l’occupant turc ?
La paralysie politique concernant l’application de l’accord de Sotchi, associée à l’atermoiement turc, aux provocations des groupes terroristes et à la riposte directe de l’armée syrienne, nous suggèrent que l’opération militaire est plus que jamais envisagée. La moxibustion sera-t-elle le dernier traitement pour guérir Idlib ?!
Par Mahran Nizar Ghatrouf ; traduit par Rania Tahar
Sources : Katehon ; Réseau international