La croissance chinoise pourrait être sérieusement écornée par les contrecoups de la guerre commerciale entre Pékin et Washington, mais le géant asiatique affiche ostensiblement sa confiance dans la solidité de son économie, aidée par ses efforts de relance.
Le Premier ministre chinois Li Keqiang l’a reconnu mercredi sans ambages : la deuxième économie mondiale connaît « des difficultés accrues » pour maintenir une croissance stable, face à la violente tempête commerciale qui l’agite.
Avant d’affirmer aussitôt sa confiance sur la capacité de son pays à « surmonter les obstacles ».
Le nouvel écueil est cependant de taille : le gouvernement de Donald Trump a annoncé lundi qu’il imposait des droits de douane punitifs de 10% sur des biens chinois dont l’importation aux Etats-Unis représente 200 milliards de dollars par an, s’ajoutant à 50 milliards de dollars de marchandises déjà ciblées.
Or « la production de ces 250 milliards de dollars de biens chinois surtaxés génère environ 1,3% du PIB chinois », même si l’impact économique devrait être moindre, rappelle Mark Williams, du cabinet Capital Economics. Le secteur manufacturier, de l’électronique à l’électroménager en passant par l’automobile, est le plus exposé.
Selon l’agence de notation Moody’s, cette nouvelle escalade pourrait entamer de 0,3 à 0,5 point de pourcentage la croissance économique chinoise l’an prochain.
Le cabinet Oxford Economics mise quant à lui sur une baisse de 0,2 point, avec un impact plus dévastateur si Washington relève comme prévu ses droits de douane à 25% au 1er janvier : cela ferait s’évaporer 0,4 point de croissance supplémentaire.
Assouplissement fiscal
Le moment est délicat : l’économie chinoise s’essoufflait déjà, minée par les efforts de désendettement du gouvernement, qui ont entraîné un durcissement en matière de crédit et un net tassement des investissements dans les infrastructures.
Le Fonds monétaire international (FMI) avait prédit dès avril que la croissance ralentirait, passant à 6,6% en 2018 et 6,4% en 2019, contre 6,9% en 2017.
Mais si Donald Trump mettait à exécution sa menace de taxer l’intégralité des biens chinois importés, la performance chinoise pourrait se retrouver à 5,8% l’an prochain, s’alarme Louis Kuijs, analyste d’Oxford Economics.
Dans l’engrenage actuel, « les perspectives d’apaisement restent faibles à court terme », la Maison Blanche semblant certaine de pouvoir « gagner » cette guerre, insiste-t-il.
Certes, Pékin profite de la forte dépréciation du yuan, qui a chuté de 8,5% face au dollar depuis avril – de quoi avantager les exportateurs chinois et rendre leurs produits plus compétitifs.
Ensuite, les entreprises américaines devraient rester pour un temps dépendantes des fournisseurs chinois, car « pour la plupart des produits visés, il existe peu de fournisseurs alternatifs », insiste Mark Williams.
Pour les types d’articles surtaxés par Washington, en moyenne 52% des importations américaines viennent de Chine, souligne-t-il.
Surtout, les autorités chinoises devraient continuer d’assouplir leur politique budgétaire et fiscale, après avoir multiplié les rabais d’impôts et de taxes à l’exportation, et gonflé les dépenses publiques dans des projets d’infrastructures.
« Pékin prendra des mesures supplémentaires pour soutenir la demande intérieure », note Louis Kuijs, de quoi selon lui effacer jusqu’à « la moitié environ » de l’impact économique de la guerre commerciale.
« Amples leviers »
Pour autant, Pékin ne va pas adopter de vastes plans de relance, a tempéré mercredi Li Keqiang, s’exprimant à l’occasion de l’édition chinoise du Forum économique mondial.
Une façon de suggérer que la Chine n’injectera pas, comme en 2008, des flots de liquidités dans l’économie pour stimuler l’activité, à l’heure où ce géant asiatique ploie déjà sous un endettement colossal dépassant les 250% du PIB.
Si Donald Trump brocarde volontiers la précarité de l’économie chinoise, Pékin affiche au contraire une confiance inoxydable.
Même au cas où Washington taxerait tous les biens chinois importés, « la Chine a d’amples leviers fiscaux et politiques pour amortir l’impact », a assuré lundi Fang Xinghai, vice-président du régulateur chinois des marchés financiers (CSRC).
« Nous nous préparons au pire, mais l’économie marchera bien », a-t-il martelé, selon des propos rapportés par l’agence d’information Bloomberg.
C’est le leitmotiv officiel : « La guerre commerciale ne forcera pas la Chine à succomber aux pressions américaines. Au contraire, vu sa solidité économique, elle fera face aux défis et deviendra plus forte », assène dans un éditorial le quotidien étatique China Daily.
« Ces quarante dernières années, l’économie chinoise a surmonté tous les obstacles » et survécu aux crises, a de son côté observé Li Keqiang.
Source: AFP